C’est bien évidemment la poursuite de la croissance de la tuberculose multi résistante en Europe de l’Est et en Asie centrale qui est au centre de mes préoccupations à la veille de la journée mondiale de la tuberculose cette année.
Trois chiffres en disent long sur cette épidémie que rien ne semble pouvoir arrêter. Le premier: le fait que 18 parmi les 27 pays dans lesquels le fardeau de la tuberculose est le plus élevé dans le monde, se trouvent dans la région. Le second: la proportion que représentent les formes résistantes parmi les nouveaux cas de tuberculose qui surviennent dans la région est maintenant de 15% (45% si l’on considère les malades qui ont besoin d’un nouveau traitement après un premier traitement incomplet ou mal suivi !). Le troisième est qu’en Russie, un usager de drogues, s’il est arrêté et emprisonné, court en milieu carcéral un risque vingt cinq fois plus élevé de contracter la tuberculose que la population générale.
Au delà de la crise des ressources que l’OMS et le Fonds Mondial mettent aujourd’hui en avant, chacun de ces chiffres renvoie a une multitude d’autres problèmes d’ordre médical, structurel et social qui reflètent les déterminants de l’épidémie dans cette région. La tuberculose y est largement prévalente, favorisée par la pauvreté et les écarts croissants entre les riches et les pauvres, l’hygiène de vie insuffisante au quotidien, la malnutrition, le tabagisme et l’alcool. Mais aussi des programmes de lutte contre la tuberculose qui ne sont pas intégrés avec les structures de soins primaires, et l’absence de mesures de prévention efficaces de la transmission des infections par voie aérienne dans les structures de soins et les établissements pénitenciers, ou encore, l’absence de lien organique entre soins de la tuberculose et soins du sida. Et puis, l’absence, auprès des structures sanitaires et dans le milieu social de soutien communautaire, d’aide à la prise des traitements, ces traitements longs de plusieurs mois qui demandent d’être suivis sans faille et jusqu’au bout sous peine de survenue de résistances. Et si celles ci surviennent, le traitement devra se poursuivre deux ans pleins et recourir à des médicaments dont le coût est 20 a 50 fois plus élève que celui d’un traitement de première ligne.
Les défis à relever sont considérables. J’avais été heureux de faire approuver il y a un an et demi, avec Zsuzsanna Jakab, la directrice régionale de l’OMS pour l’Europe, un plan de cinq ans pour combattre la tuberculose multi résistante dans la région. Il y a des réponses à ce plan et des progrès sont enregistrés dans plusieurs pays de la région. Mais l’épidémie continue de progresser plus vite que nous ne la combattons.
La journée de la tuberculose est là pour nous rappeler que cette maladie dont certains pensent qu’elle appartient aux siècle précédents, continue de tuer à très grande échelle dans le monde, et acquiert de nouvelles formes résistantes particulièrement menaçantes. Et comme cela est si souvent le cas dans l’histoire des épidémies, ce sont les populations pauvres et marginalisées qui en sont les premières victimes.