Je tenais beaucoup à me rendre au Cap, pour la première de la Bohème produite et chantée par la compagnie Isango. Un vieux théâtre en bois, appelé le “German center”, au cœur de la partie ancienne de la ville. Salle pleine. Depuis un peu plus de six ans, Isango monte certains des grands opéras de Mozart à Puccini, en langue locale et avec un orchestre d’instruments locaux. La production, il y a deux ans, de la “flute enchantée” avait reçu de nombreuses récompenses, dont le globe de cristal à Paris pour le meilleur opéra. Les instrumentistes font appel à des xylophones et des percussions. Les musiciens ne cessent de se balancer, ou de danser, au rythme qu’ils impriment à la musique, plutôt qu’ils n’obéissent à la baguette d’un chef. Avec un résultat étonnant : les crescendos qui précèdent ou accompagnent les grands airs apportent la même émotion que ceux dévolus aux cordes dans la partition de Puccini. Les chanteurs sont tous issus de townships à Soweto. Un spectacle magnifique, alternant l’émotion des grands airs chantés en anglais et l’énergie, proche de celle de la comédie musicale, des scènes “de contexte” chantées en langue locale (ainsi, la scène ou le propriétaire mafieux vient réclamer son loyer). Pauline Malefane qui chantait Mimi a une voix d’une grande beauté, assurée et pure. Elle est entourée d’une troupe remarquable. Pour ce spectacle, Rodolphe est devenu Lungelo et Marcello est Mandisi.
Le Fonds mondial a subventionné cette production de la Bohème. Le spectacle sera donné dans plusieurs villes d’Afrique du Sud, à Londres en mai, en Europe et aux Etats Unis. La brochure de présentation parle de l’action du Fonds dans la lutte contre la tuberculose, et du partenariat mené, pour cette production, avec la fondation Desmond Tutu.
Desmond Tutu était présent à cette première, avec ce sourire généreux et radieux qu’il arbore si souvent, un sourire presque déroutant, mais que je lis comme un sourire d’espoir de l’Afrique.
Le message s’imprime dans nos esprits en même temps que l’émotion de la musique. Nous ne sommes plus à Montparnasse en 1830, mais la tuberculose reste la maladie des pauvres, des plus pauvres de ce monde. Je me souvenais de malades rencontrés au Malawi dans un Hôpital General submergé par les malades du sida, des malades en haillons couchés sur des brancards en bois dans un hôpital de district du Nord de l’Inde, ou d’autres, dans une prison Ukrainienne. Le traitement de la tuberculose coute 20 dollars US pour six mois. Un traitement bien suivi a maintenant plus de 85 pour cent de chances d’amener la guérison dans le monde en développement. Mais la tuberculose tue encore 1,7 million de personnes chaque année dans le monde. Elle reste la première cause de mortalité des malades du sida.